La consommation d’ayahuasca reste interdite dans la plupart des pays occidentaux, alors même que certains hôpitaux brésiliens intègrent ce breuvage dans des protocoles thérapeutiques encadrés. Ce contraste soulève de nombreuses interrogations autour de sa légalité, de ses usages et des recherches en cours.
Des centaines de témoignages, publiés dans des revues scientifiques et des ouvrages spécialisés, décrivent des effets aussi variés que puissants. Entre expériences personnelles, protocoles rituels précis et études cliniques, l’ayahuasca continue d’attirer l’attention du monde médical et du grand public.
Ayahuasca : origines, histoire et traditions autour de la plante sacrée
Au cœur des forêts d’Amérique du Sud, l’ayahuasca s’impose comme une référence incontournable. Ce breuvage, obtenu par décoction, combine la liane banisteriopsis caapi à différentes plantes, dont les fameuses feuilles de psychotria viridis, appelées chacruna. Depuis des générations, ces plantes sacrées animent les rituels des communautés indigènes du Pérou, de Colombie ou du Brésil.
Il n’existe pas de formule universelle pour préparer l’ayahuasca. Chaque groupe façonne son propre rapport à la plante, en fonction de ses traditions et de ses besoins. L’association de la banisteriopsis caapi et des feuilles de chacruna crée une réaction unique : la liane fournit des inhibiteurs de monoamine oxydase, permettant à la DMT contenue dans les feuilles d’agir par voie orale. Cette maîtrise ancestrale, transmise de chaman en chaman, intrigue les scientifiques et les anthropologues d’aujourd’hui.
Le savoir lié à l’ayahuasca se transmet de manière orale, au fil des cérémonies et des initiations. Au Pérou, la boisson fait désormais partie du patrimoine culturel. Elle s’invite à la fois dans les sphères sociales, thérapeutiques et spirituelles. Les chamans, véritables piliers de ces pratiques, orientent chaque étape : du choix des plantes à la préparation méticuleuse du breuvage.
Voici les étapes majeures traditionnellement observées :
- Sélection et cueillette de la banisteriopsis caapi et des feuilles chacruna
- Préparation collective, accompagnée de chants rituels
- Transmission des connaissances ancestrales et accompagnement lors des cérémonies
L’ayahuasca ne se limite donc pas à son effet. Elle tisse un lien entre le visible et l’invisible, véhicule des histoires, des épreuves et parfois des guérisons inattendues.
À quoi ressemble une retraite d’ayahuasca ? Rituels, préparation et déroulement
Dans un centre retraite, chaque retraite ayahuasca se construit sur un rythme précis, pensé pour accompagner une transformation en profondeur. Les participants sont souvent invités à arriver plusieurs jours en avance pour se préparer à la première cérémonie ayahuasca. Cette période d’ajustement inclut l’adoption d’une alimentation consciente : exclusion de l’alcool, des plats riches ou des stimulants. L’idée est de préparer le corps et l’esprit à la rencontre avec les plantes sacrées.
Quand vient la nuit, le rituel commence. Le chaman, figure de référence, prépare la décoction à base de banisteriopsis caapi et de psychotria viridis. Les participants se regroupent, formant un cercle ou s’alignant, selon les traditions. Le silence s’installe, seulement traversé par les chants icaros, ces mélodies ancestrales destinées à accompagner l’expérience, à rassurer ou à ouvrir des portes intérieures.
Au fil des heures, les icaros, chants chamaniques rythment la progression. Les états de conscience évoluent : visions, émotions exacerbées, bouleversements profonds. L’accompagnement est constant, l’équipe veille, intervient si besoin. Rien n’est laissé au hasard : chaque moment, de la préparation à l’intégration, suit une organisation précise.
Prenons le centre Takiwasi : ici, la dimension collective et thérapeutique domine. Les rituels s’étalent parfois sur plusieurs jours ou semaines, mêlant travail sur le corps et l’esprit. À la fin, chacun emporte avec lui l’empreinte d’un voyage orchestré par la plante et par ceux qui en détiennent la connaissance.
Quels effets attendre : bienfaits, risques et expériences vécues
L’ayahuasca n’épargne personne. Les effets se déclenchent d’abord physiquement : nausées, vomissements, diarrhées, tremblements parfois. Loin d’être de simples désagréments, ces phases de purge sont perçues comme un nettoyage en profondeur. Ensuite, l’expérience bascule du côté psychique. Grâce à la DMT, substance naturellement présente dans la décoction, des visions émergent, des souvenirs enfouis refont surface, des émotions brutes s’expriment.
De nombreux participants évoquent un sentiment de guérison psychique ou la découverte d’insights marquants. Certaines recherches suggèrent une amélioration de la gestion du stress post-traumatique et des avancées dans le traitement des troubles psychologiques comme l’anxiété ou la dépression. D’autres insistent sur le développement personnel, l’impression d’avoir saisi un sens nouveau à leur existence. Mais aucune expérience ne ressemble à une autre : tout dépend du contexte, du vécu et de la préparation.
La prudence est impérative pour les personnes souffrant de troubles bipolaires ou de schizophrénie. Les risques d’effets néfastes, de déstabilisation ou de rechute ne sont pas à négliger. Il existe des contre-indications strictes : la retraite ayahuasca ne s’adresse pas à tous. Un encadrement médical ou psychothérapeutique, lorsqu’il est présent, réduit les dangers, mais l’ayahuasca reste une aventure intense, imprévisible et parfois déstabilisante.
Ce que disent les témoignages et la recherche scientifique sur l’ayahuasca
Depuis quelques années, les témoignages se multiplient. Certains racontent leur passage dans un centre retraite au Pérou, à Tarapoto ou à Cusco, ou relatent une cérémonie menée par un chaman du Santo Daime ou de l’União do Vegetal. Les expériences varient : certains décrivent une renaissance, la possibilité de revisiter des souvenirs douloureux pour en guérir. D’autres soulignent la nécessité d’un accompagnement professionnel en post-retraite, souvent confié à un psychologue dans un contexte plus occidental.
La recherche scientifique s’intéresse de près à l’ayahuasca. Au centre Takiwasi, fondé par Jacques Mabit à Tarapoto, des recherches mettent en avant des résultats encourageants pour l’accompagnement des addictions et du stress post-traumatique. Plusieurs publications spécialisées mentionnent des bénéfices sur la santé mentale, particulièrement grâce à la phase d’intégration post-retraite. Mais la prudence reste de mise : peu d’études s’étendent sur le long terme, les contextes culturels sont variés, et la législation en France ou en Europe bride les perspectives officielles.
Deux points ressortent des analyses récentes :
- Statut légal de l’ayahuasca : selon le pays, la légalité diffère. En France, le cadre est strict, ce qui confine la pratique à la marge et soulève la question de la sécurité des participants.
- Intégration psychologique : de nombreux professionnels insistent sur le besoin d’un suivi après la cérémonie, pour limiter les dérives et ancrer les bénéfices dans la durée.
À la croisée des mondes traditionnels et occidentaux, le dialogue avance avec prudence, porté par la science, la loi et les récits de ceux qui ont franchi le pas. L’ayahuasca, loin de toute caricature, continue de susciter fascination, débats et remises en question.


